Pousser un être hors de soi


Bonjour à toutes et à tous,

Depuis plusieurs années mes tripes se font régulièrement empoigner par un sujet qui nous concerne toutes et tous : l’action de mettre à l’extérieur de soi un être. Toutes concernées parce que nous sommes dotées d’un utérus dès la naissance. Toutes et tous concernés parce que nous sommes toutes et tous portés par une femme. Dès que l’être porté est hors du corps de la femme, celle-ci perd le contrôle de cette vie portée. Parfois certaines femmes penseront que cet être était mieux à l’intérieur de leur corps maternel, permettant ainsi d’avoir encore un peu le contrôle de l’autre. L’autre, dans lequel chacun de nous nait.

Le sujet est vaste comme une prairie et propulsant comme une attraction à sensations fortes. Pour le vivre il faut avoir les organes bien accrochés. Je précise que j’écris sur le moment où la mère et l’enfant vont se séparer et faire connaissance.

Reconnaitre à l’enfant qui vient de naître qu’il vient de faire naître sa propre mère. Une mère physique mais aussi psychique. Qu’il dépend d’elle et de son discernement jusqu’à une séparation mûre. En se servant de tous ses sens pour pousser l’autre vers le monde extérieur, et donc vers les autres, l’esprit et le corps de la femme prennent conscience de la séparation qui est en train de se jouer. Je fais exprès de choisir le mot jouer, justement pour expliquer qu’on ne joue plus à ce moment là. On ne joue plus à prendre la place de l’autre comme sur un plateau d’échec. Les dès sont jetés et les places attribuées depuis le début de la conception de ce nouvel être. Le corps avec ses sens et son esprit reconnaissent distinctement l’existence de l’uns et de l’autre. Cela s’appelle le discernement et sert donc à la mère qui vient de naître à savoir reconnaître ce qui est mauvais ou bon pour elle à ce moment là, afin de proposer à ce nouvel être ce qui lui correspond le mieux. Ce petit être a droit à cette première reconnaissance. Avant même que quelqu’un reconnaisse sa naissance à la mairie.

Depuis quelques mois je me suis plongée dans les lectures d’un homme qui s’appelait Yves Malinas. Son travail me parait être une montagne de savoir, de réflexions et surtout d’expériences. Je n’ai pas lu toutes ces publications donc je ne peux pas être d’accord avec tout ce qu’il a pu penser ou écrire mais il a une définition du mot obstétrique qui se rapproche beaucoup de ce que je pense :

« L'obstétrique traditionnelle consiste à surveiller un phénomène physiologique en se tenant prêt à intervenir à tous les instants. L'obstétrique moderne consiste à perturber ledit phénomène de telle sorte que l'intervention devienne indispensable à l'heure exacte où le personnel est disponible. C'est beaucoup plus difficile. » Tiré du journal Le Dauphiné, daté de mai 1994. Yves Malinas était Médecin, spécialisé en gynécologie-obstétrique, professeur émérite au Centre hopitalo-universitaire régional de Grenoble.

C’est très clair non ? La vision traditionnelle de l’accouchement propose d’être à côté, ou non loin,  de la femme en se tenant prêt à intervenir en cas de besoin ou de problème. Cela propose à la mère et l’enfant une autre conversation physique. Être ensemble dans la douleur c’est proposer d’être aux côtés de l’un et de l’autre dans le présent, et à l’avenir proposer de compter sur les uns et sur les autres au moment où la vie n’est pas un long fleuve tranquille. C’est rassurant et confiant, et donne à la mère la sensation d’avoir gagné quelque chose. Quelque chose de personnel et différent pour chaque femme qui accouche de manière traditionnelle. Quelque chose qu’elles pourront transmettre. Les femmes peuvent contrôler leur corps par la reconnaissance instinctive. Grâce à leurs sens en éveil elles savent quoi faire quand le moment est venu de pousser son enfant vers le monde extérieur. Elles se sont préparées ou faites accompagnées jusqu’à ce jour. L’accouchement physiologique permet de se fier aux 5 sens, d’accroître finalement la confiance en soi. 

La vision moderne de l’accouchement propose d’intervenir avant que le problème ne survienne. On ne laisse pas la mère ressentir les sensations. Elle ne sait pas si elle pourra supporter ses sensations et ses douleurs puisqu’on fait tout pour intervenir avant que la douleur se fasse ressentir, voir même avant qu’elle se signale. Ainsi les sens et l’instinct de la mère sont coupés. Quel dialogue proposer à l’enfant qui nait dans l’effort de se faufiler dans un trou de souris, alors que sa propre mère ne ressent rien ? Quel conversation propose-t-on entre l’enfant et la mère ? Pour intervenir avant il faut avoir l’oeil sur le lieu où le problème pourrait survenir. La position allongée sur le dos est idéale pour cela. La position est comme une forme géométrique au bout de laquelle un viseur scrute le sexe féminin, dans l’attente du dit problème. Alors commence l’intrusion. S’en suit les touchés vaginaux répétitifs et l’interdiction de changer de position pour maîtriser le problème qui peut-être n’aura pas lieu. Le doute s’installe chez la femme accouchante et sa confiance en elle baisse. 

Nombreuses sont mes clientes qui me racontent avoir été effrayée par des professionnels pressés, s’être tendue de peur et avoir eu encore plus mal au moment d’accoucher. Elles comparent avec leurs accouchements suivants. D’autres femmes pleurent en me disant qu’on leur a dit le jour de leur premier accouchement qu’elles ne savaient pas pousser. La péridurale ayant été proposée avec insistance et posée très tôt, mes clientes ne sentaient plus rien, comme coupées de leur corps. Comment bien pousser si on ne ressent pas la contraction arriver ? Est-ce que la personne extérieur ressent ou sait mieux ce qui se passe dans le corps des femmes qui accouchent ? Comment bien pousser si on perd le contact avec la tête du bébé qui appuie sur le col de l’utérus ? Comment bien pousser si toutes ces sensations sont anesthésiées dès le début ? J’aimerai proposer aux hôpitaux et maternités de laisser le temps aux mères de ressentir les sensations de l’accouchement afin de leur permettre de décider de ce qu’elles peuvent supporter comme sensations et douleurs. 

Mettre en place le bien-être du bien naître en France est urgent afin que chaque mère puisse choisir librement ce qu’elle peut endurer et non subir. On ne peut pas attendre d’une femme qui est sur le point de mettre au monde son enfant de ne pas bouger, de se taire, de tout accepter. Un enfant relié aux sensations de sa mère pendant l’accouchement ne se sent pas seul. Il se sent épauler. Car lui aussi est en train de vivre un évènement intense physique et psychique. Si par chance cette femme a confiance en elle pour tenter d’accoucher simplement on la fait culpabiliser de mettre en danger sa propre vie et celle de son enfant. Et c’est cela qui créait chez les femmes la peur d’accoucher.

Laissez les femmes tenir leur accouchement et vous aurez des générations de femmes volontaires et prêtes à accoucher. Les femmes savent mieux que qui conque comment accoucher, debout, sur le côté, dans l’eau, sur du foin, dans une voiture.

Ne quittez pas … vous allez être mis en contact avec une chose naturelle.

Léa STANISLAS
Sophrologue
Contact : 06 16 66 23 44 / leabencoil@yahoo.fr

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